La sensibilité intelligente, ou l’hypersensibilité, peut parfois être considérée à tort comme une faiblesse, voire une pathologie. Bruno Humbeeck, psychopédagogue, vous explique comment aider votre enfant à développer sa sensibilité émotionnelle. Une véritable force qui lui permettra de vivre en harmonie avec les autres.
Notre société génère beaucoup d’émotions au quotidien. Et certaines personnes, surtout les enfants, y sont particulièrement sensibles. Ils sont alors catalogués d’hypersensibles. Mais n’inverse-t-on pas le problème en les stigmatisant alors qu’il serait plus judicieux de le traiter à la racine : au sein de notre société ! Bruno Humbeeck, psychopédagogue, vous explique comment accompagner votre enfant dans l’identification et l’expression de ses émotions.
Qu’est-ce que l’hypersensibilité ?
Issu du monde médical, le préfixe « hyper » est ambigu, car il définit un système qui fonctionne de manière excessive et induit donc un dysfonctionnement à corriger. Mais il peut également manifester une forme de supériorité. L’hypersensibilité est une sensibilité exacerbée qui suppose donc un excès d’émotions. Il s’agit d’une façon d’utiliser son cerveau de manière efficace par rapport au système des émotions.
Les 5 émotions
Tout au long de notre vie, nous aurons besoin de ressentir et d’exprimer ces 5 émotions : la joie, la colère, la tristesse, la peur et le dégoût.
Une émotion n’appartient qu’à celui qui l’éprouve et ne peut en aucun cas être remise en cause, ni dans son intensité, ni dans sa légitimité. « J’ai le droit d’être triste ». C’est ce que l’on appelle une composante subjective de nos émotions.
Lorsque l’on vit une émotion intense (un événement marquant), on développe une sorte d’hypervigilance. Nous sommes très sensibles à notre environnement et il existe clairement un lien entre le mécanisme cognitif et les émotions. Certaines émotions, comme la peur, peuvent d’ailleurs nous tétaniser et bloquer les mécanismes cérébraux.
La génération de verre
Les enfants nés en 2010 et après sont plus fragiles, car ils sont soumis à une anxiété démesurée. Pandémie, guerre aux portes de l’Europe, climat, avenir incertain et anxiogène… Or cette anxiété ne doit pas être considérée comme un indice de pathologie qui doit être soigné par des médicaments. L’anxiété est au contraire un signe d’intelligence qui permet de se poser les bonnes questions dans un environnement qui nécessite de se poser ce type de questions. Elle devient pathologique lorsque la personne ne parvient plus à se détendre et ressent des émotions invasives qui seront refoulées et se traduiront alors par un dysfonctionnement physiologique.
Apprendre à « lire » ses émotions
Il faut avant tout apprendre à lire ses émotions et les entendre pour mieux les comprendre. Aidez votre enfant à exprimer ses émotions de façon acceptable. Un enfant débordé par la colère reflète une émotion que l’on ressent lorsqu’on interdit les autres émotions.
Pour permettre à un enfant d’identifier ses émotions, les parents doivent accepter de montrer leurs propres émotions. Il a donc également besoin de voir quand ses parents sont en colère à la suite d’une bêtise qu’il a faite par exemple. Ainsi, l’enfant comprend qu’il a des émotions, mais aussi qu’il n’est pas le seul à en avoir. D’ailleurs, rien n’inquiète plus un enfant qu’un adulte « trop » zen ou dont le visage ne montre aucune émotion. Ainsi, dans une famille, il faut accepter que chacun éprouve des émotions différentes.
ASTUCE : demandez à votre enfant d’exprimer ce qu’il ressent à l’aide d’émoticônes qui montrent la joie, la colère, la tristesse, la peur et le dégoût. Il est important d’accompagner votre enfant et d’être présent lorsqu’il vit ces différentes émotions.
Les 3 guichets imaginaires
Imaginons que nous avons 3 guichets dans notre cerveau…
1. Le premier nous demande « que ressens-tu ? » : on peut avoir des émotions multiples, par exemple, de la joie et de la peur en regardant un thriller.
2. « Pourquoi ressens-tu cette émotion ? » : nos proches ont tendance à empêcher le flux communicationnel lié à l’émotion. Il n’est donc pas toujours possible d’en parler à un proche.
3. « Pour quoi éprouves-tu l’émotion ? » : exprimer l’émotion va créer une contagion émotionnelle et de la compassion envers celui qui est en difficulté.
Le curseur du bonheur
La sensibilité intelligente nous permet de vivre en harmonie avec les autres. Sur une échelle de 0 à 10, le chiffre parfait qui représenterait le bonheur serein serait de 7. Un curseur placé à 10 serait le reflet d’un moment particulier de contentement absolu qui ne peut pas durer sur la longueur. La joie n’est pas l’émotion qui fait le bonheur. Car nous avons tous besoin de ressentir différentes émotions au cours de notre vie.
« Les émotions n’excluent pas l’intelligence et l’intelligence n’exclut pas que l’on éprouve des émotions. »
Bruno Humbeeck
- · Psychopédagogue et Docteur en sciences de l’éducation.
- · Chargé d’enseignement à l’Université de Mons et responsable du Centre de Ressource éducative pour l’Action Sociale (CREAS)
- · Bruno travaille sur des projets de recherche portant sur les relations école-famille et société au sein du Centre de Recherche en Inclusion Sociale.
- · Il est également un expert de la résilience et auteur de publications sur l’estime de soi, la maltraitance, la toxicomanie et la prise en charge des personnes en rupture psychosociale.
- · Bruno Humbeeck est aussi actif sur le terrain en tant que psychopédagogue et en tant que directeur de recherche au sein du service des Sciences de la famille de l’Université de Mons
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